Femme libre

Entrée en résistance à 16 ans, femme courageuse, femme de conviction... Colette Lacroix a dès l’hiver 1940 et jusqu’à la Libération, lutté corps et âme pour notre liberté. Avec une mémoire d’une précision redoutable, elle nous livre son témoignage.

Voir l'image en grand
Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Ain © Collection départementale des Musées de l’Ain, inv. 2012.20.02

3 septembre 1939, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre au IIIe Reich qui vient d’agresser leur alliée, la Pologne. La victoire foudroyante de l’offensive allemande lancée le 10 mai 1940 plonge la France dans le désarroi et la sidération. Dès 1940, des formes de résistance se mettent en place, c’est le fait d’une minorité à laquelle appartient Colette Lacroix, élève au lycée Edgar-Quinet de Bourg-en-Bresse.

Du haut de ses 16 ans, cette fille d’instituteurs marquée par la défaite française et la captivité de son père, prisonnier de guerre, s’engage avec détermination dans la lutte contre les nazis : « J’avais entendu parler, par des réfugiés, des horreurs perpétrées par Franco en Espagne et Mussolini en Italie. Avec l’arrivée des troupes d’Hitler, j’ai compris que nous allions vivre les mêmes exactions », résume cette combattante de la première heure.

Dès l’hiver 1940, Colette Lacroix rejoint l’un des premiers groupes de résistance à Bourg-en-Bresse, se bat aux côtés du lycéen Raymond Sordet et de Marcelle Appleton. « À l’époque, j’avais pour livre de chevet Maroussia, qui conte l’histoire d’une petite Ukrainienne du XVIIe siècle, qui s’est sacrifiée pour la liberté de son pays et s’est battue contre les Russes. Cette héroïne fut mon modèle de résistante », se souvient Colette Lacroix qui jusqu’à la Libération lutta « pour bouter les Allemands, hors de France ».

Entrée en Résistance

Voir l'image en grand
Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Ain © Collection départementale des Musées de l’Ain, inv. 2012.20.02
Avec son groupe, elle envisage de rejoindre l’Angleterre par une filière suisse. Mais en avril 1941, à la suite d’une dénonciation, Colette Lacroix et d’autres résistants, dont Marcelle Appleton, sont arrêtés : « Mon jeune âge m’a sauvée. J’ai vite été relâchée. »

Elle se rapproche alors de Paul Pioda, vitrier à Bourg, voisin de ses grands-parents et rejoint le mouvement Libération qu’il anime. Elle fait également partie du mouvement Combat avant de rejoindre le groupe des Forces unies de la jeunesse (FUJ) où elle est chef de sizaine, distribue tracts, journaux clandestins... En 1942, elle passe son baccalauréat philosophie au lycée de Nantua.

Tout juste bachelière, elle est dans l’impossibilité de retourner chez ses parents à Corcelles : « La milice m’attendait. Pour lui échapper, je suis entrée dans la clandestinité. » Recrutée par le réseau SOE Pimento, dépendant des services secrets britanniques et spécialisé dans le sabotage des chemins de fer, Colette Lacroix devient agent de liaison et rencontre son futur mari, Henri Gauthier, dit Jag, responsable régional de l’organisation.

Dans tout le sud de la France, elle mène des actions : « J’ai été témoin de destructions de routes, de trains, de ponts... J’ai également recherché des terrains de parachutage, caché des parachutistes, transporté des armes, des postes émetteurs..., fabriqué de faux papiers... » Début 1944, enceinte, elle est cachée à Montauban, où elle côtoie l’écrivaine et résistante Clara Malraux, femme d’André. En mars, elle accouche d’un petit garçon et poursuit la lutte : « J’étais animée par une soif de liberté, doublé d’une forme d’inconscience. »

Courage et abnégation

A-t-elle eu peur ? « J’ai été effrayée quand j’ai fait exploser mon premier pont. Une pierre a giclé et a atterri près de moi. Mais, ma plus grosse frousse, je l’ai vécue en gare de Montauban où les Allemands de la division Das Reich m’ont arrêtée. L’un a soulevé mon bébé, l’autre, fouillé ma valise. Heureusement, le poste émetteur caché sous les langes de mon fils n’a pas été découvert. »À la suite de cet événement, Colette Lacroix rejoint le plateau d’Hauteville, confie son enfant à sa mère et poursuit ses actes de résistance.

En août 1944, à quelques jours du débarquement de Provence, elle est chargée de surveiller et de faciliter l’interpellation de Klaus Barbie*, repéré dans un train qui allait à Sète, où l’arrivée des Alliés était, initialement, annoncée. « Je connaissais le passif de ce bourreau qui avait tué des gens que j’aimais. Mais j’ai joué la petite femme innocente et fait ami-ami avec lui. Nous avons parlé de la pluie et du beau temps, il m’a dit qu’il me trouvait jolie... À notre arrivée à Lyon, il m’a invité dans un restaurant, où prétextant d’aller aux toilettes, je me suis enfuie à toutes jambes. »

À la Libération, elle est désignée pour monter à Paris avec Rol-Tanguy, membre dirigeant de la Résistance. Sur la route du retour, elle est victime d’un accident de voiture et reste immobilisée trois mois : « Ça m’a sans doute coûté une place dans la France de la reconstruction. » Du haut de ses 97 printemps, elle ne regrette rien : « Si c’était à refaire, je répondrais présente, mais pas de la même manière et avec plus de lucidité », conclut celle qui depuis une quinzaine d’années témoigne auprès des lycéens « pour qu’ils n’oublient pas cette page d’histoire ».

* officier de police SS sous le régime nazi, criminel de guerre surnommé « le bourreau de Lyon », car il a donné l’ordre de torturer, d’exécuter de nombreux otages et de déporter des milliers de juifs, de résistants...

Diaporama

Présentation

  • Nom : Lacroix
  • Prénom : Colette
  • Née en 1924 à Neuville-les-Dames (Ain)
  • Décorations : Légion d’honneur, médaille de la Résistance, carte du Combattant.

Sa vision de la femme

Il faut que les femmes montrent qu’elles existent, qu’elles s’imposent. Dans mon groupe de résistants, j’étais la seule femme et les hommes me respectaient, m’obéissaient.

Vidéo